Point de chute

Migration. Les expulsés maliens s’organisent

Après des mois, voire des années d’espoirs, nombre de migrants sont expulsés des pays « d’accueil », parfois sous la contrainte et par vol spécial. Au retour, tout est à reconstruire. Certains souffrent de stress post-traumatique, suite aux mauvais traitements dont ils ont pu être victimes au cours de leur périple, suite à la précarité subie. A quoi s’ajoute la honte face à leur famille et à leur communauté, ainsi que le désoeuvrement.

Commerçant malien lui-même expulsé d’Angola, Ousmane Diarra crée en 1996 l’Association Malienne des Expulsés (AME), avec des compatriotes ayant vécu une expérience similaire, notamment ceux qui occupaient l’église de Saint-Bernard à Paris en août de la même année. L’AME a pour but (et pour effet) de rendre visible dans l’espace public les expériences vécues par les migrants. Il s’agit aussi pour l’association de dénoncer la violence des expulsions au regard des instruments juridiques internationaux et nationaux ainsi que des traités de droits humains ratifiés par les Etats. Les différents projets mis en place par l’AME permettent de venir immédiatement en aide aux nouveaux arrivants qui le souhaitent: accueil quotidien à l’aéroport, maraudes (tournées de lieux d’arrivée potentiels – aéroport, gare routière, arrêts de bus), hébergement temporaire, assistance médicale d’urgence, assistance juridique, conseil et soutien psychologique.

D’autres associations analogues ont vu le jour au Mali et dans les pays de l’Afrique de l’Ouest. Selon Clara Lecadet, anthropologue et chercheuse (1), toutes n’ont pas adopté une position critique vis-à-vis des politiques étatiques. Le rapprochement d’une partie des associations d’expulsés créées au Mali avec des ONG européennes, l’Office international des migrations (OIM) et des programmes pilotés par l’Union européenne (…) les a transformées en prestataires des dispositifs d’aide au retour ainsi qu’en gestionnaires de l’assistance médicosociale aux expulsés (2). L’association AME semble, quant à elle, avoir gardé son indépendance.

Ces nouveaux arrivants photographiés à Bamako sont pour la plupart des Maliens en provenance d’Europe, d’autres viennent des pays subsahariens et du Proche-Orient. Certains d’entre eux ont peu, voire aucun lien avec le Mali, qui reste alors une étape de transition avant de pouvoir retourner dans leur pays d’origine.

Les photographies ont été réalisées en 2016 à Bamako, Mali


(1) : associée à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS Paris) et au Laboratoire d'anthropologie urbanités mondialisations (LAUM)
(2) : Plein droit, Les expulsés, leur voix, leurs droits, n°107, déc. 2015, éd. gisti,